Seconde partie
Par Joel Spolsky, en avril 2008.
Cet article vient d’ici. Il est en deux parties. Vous trouverez la première partie ici.
Comme je l’ai écrit le mois dernier, je n’ai vraiment pas appris grand chose à l’armée.
Bon, ok, disons que j’exagère un peu : en fait je suis devenu super bon au démontage de M-16 à l’aveuglette : en 15 secondes il était à plat, en morceaux. Et si jamais les hotêsses du vol de l’avion JAL 747 en provenance de Tokyo, dans lequel je suis actuellement, décidaient par un manquement incroyable du respect au consommateur, de me jeter directement de l’avion avec un parachute sur le dos, je pourrais faire un superbe roulé-boulé en arrivant au sol (après, je serai mangé par un ours polaire, mais bon, l’infanterie Israélienne n’est pas entraînée pour survivre dans la toundra).
Mais avec toute l’idolâtrie que le modèle de management militaire engendre, pour pourriez penser que j’ai appris plus de choses, pendant mon service, sur les qualités qu’il faut pour diriger et gérer les gens. Aucune chance. Si je me fie à mon expérience, diriger et gérer les gens du point de vue militaire c’est simplement : réussir à faire charger des jeunes de 18 ans dans un champ de mines alors qu’il auraient une fâcheuse tendance à vouloir rester derrière un gros rocher.
Ce type de management est connu pour nécessiter instantanément, immédiatement, une obédience absolue – ce qui serait en réalité contre-productif dans ma petite compagnie de développement de programmes, dans laquelle le plus gros problème est de réussir à convaincre les développeurs de me dire quand je fais fausse route et de faire les choses selon leur point de vue, parce qu’ils sont tous plus intelligents que moi.
Malgré ce, l’armée m’a appris une importante leçon dans le domaine de la stratégie. C’est un concept très simple qu’un général nous a appris dans un discours impromptu de 5 minutes, en plein milieu d’un exercice d’entraînement exténuant. Depuis, j’ai lu Michael Porter, la revue « Harvard Business Review » et des tonnes de bouquins écrits pas des consultants en management, et je n’ai jamais appris autant de choses sur la stratégie économique que ce qu’on m’a dit à ce moment là sur le concept très simple appelé « feu puis avance », « fire and motion ».
Voici le principe : vous tirez sur l’ennemi. C’est la partie « on tire ». Et puis vous avancez en même temps. C’est la partie « on se déplace ». Compris ?
Vous tirez pour forcer l’ennemi à se mettre à couvert. Il ne peut pas se mettre en face de vous et répliquer s’il est obligé de se protéger derrière un mur. Mais tirer n’est pas suffisant. Vous devez aussi avancer, sinon vous ne progresserez jamais. Le fait d’avancer vous rapproche de votre ennemi. Et les ennemis proches sont les plus faciles à atteindre. Vous avez besoin des deux : tirer et avancer. « Fire and motion ». Pratiquement toute tactique militaire, qu’elle soit sur terre, mer ou air, est une variation de ce principe fondamental. Les stratégies de business sont basées sur ce même principe.
Si vous regardez un marché sur lequel la compétition est dure, vous verrez que les compagnies qui y arrivent sont toutes celles définissent un planning, et par là-même qui forcent les autres à essayer de les rattraper, ou de suivre ce planning. Par exemple, la version « fire and motion » de JetBlue apparaît sous la forme d’une expérience clientèle inégalable. Les prix des billets n’étaient pas forcément supérieurs, et ils ne faisaient pas de vols sur toutes les destinations imaginables. Mais leurs avions étaient vraiment super sympas. Ils avaient des sièges confortables en cuir, et il y avait une télévision individuelle pour chaque passager.
En voulant les rattraper, les autres compagnies aériennes on passé du temps, de l’argent, et des efforts à essayer de copier JetBlue. Delta a ainsi perdu une petite fortune sur Song, une start-up qui mettait en avant des coktails innovants et des hotêsses qui portaient des uniformes dessinés par Kate Spade. Cette start-up a fermé ses portes à peine trois ans après avoir commencé, trois années pendant lesquelles JetBlue a continué à s’étendre sur de nouveaux marchés, et pendant lesquelles JetBlue a récupéré de la clientèle
De la même façon, malgré qu’ils aient eu quelques problèmes à résoudre récemment, Starbucks est un bon exemple de « fire and motion ». Ils forcent les concurrents à réagir. Regardez combien de temps et d’argent McDonald a dépensé pour faire des boissons caféinées bonnes et chères. Cette année, ils prévoient d’installer des machines Expresso appelées « McCafé » dans les milliers d’agences de manière à vendre plus de cappuccinos et autres. Parce que tout le monde sait que « McDonald’s égal café sympa »…
Vous pourriez penser que McDonald devrait passer plus de temps à peaufiner ses hamburgers et à en faire de meilleurs. Eh bien non. McDonald utilise son temps et de son énergie à essayer de répondre au « fire and motion » de Starbucks. Howard Schultz, lui, est occupé à trouver d’autres manières d’étendre le coeur de métier Starbucks.
Dans l’industrie informatique « fire and motion » apparaît sous la forme de nouveautés, et/ou de mises à jour dans une application. Microsoft avait l’habitude de régner en maître incontesté dans le domainde des agendas. Cela fait des années que j’utilise les outils de développement de Microsoft, et leur « tir de couverture » du « fire and motion » n’a été que de « donner la possibilité d’avoir huit manières différentes d’extraire les données de la base de données de leur agenda ». (Pour ceux qui veulent compter les points à la maison, c’étaient : DbLib, ODBC, RDO, DAO, ADO, OLEDB, ADO.NET, et LINQ — et je suis sûr que j’en ai oublié d’autres).
Microsoft eventually overplayed its hand when it brought together developers at a conference in Los Angeles in 2003 and suggested that they might consider rewriting their applications from scratch in order to take advantage of the excellent new capabilities soon to ship as a part of Windows Vista. Beaucoup de développeurs étaient méfiant, avec raison d’ailleurs, parce que quand Vista est sorti, il avait beaucoup moins de nouvelles fonctions que celles annoncées. Entretemps, des compagnies innovantes, telles que Google et VMware, ont commencé à dicter l’agenda des nouvelles technologies dans le monde, à un niveau que Microsoft n’avait jamais vu. Et maintenant, dans un reversement de situation remarquable, on voit Microsoft sur la défensive, qui dépense énormément de temps et d’argent à répondre au « fire and motion » de ses rivaux.
Que faites vous si vous vous trouvez en situation d’essayer de coller à un agenda d’un concurrent au lieu de mettre en place le vôtre ? La réponse est de casser le cycle le plus rapidement possible. Si vous êtes une petite compagnie, vous ne pouvez pas perdre du temps à essayer de répondre au tir de quelqu’un d’autre. Les autres balèses ont 10 fois plus de munitions. Donc, au lieu de cela, il vous faut faut les amener dans une bataille de Thermopiles de votre propre crû, où la taille n’a pas d’importance.
La bonne nouvelle c’est que ce n’est pas si difficile : au lieu de prêter attention à ce que vos concurrents font, lisez plutôt les retours de vos clients sur l’utilisation de votre logiciel. Connectez vous sur le net et écoutez, lisez ce que le monde dit à propos de vos produits. Faites un suivi au jour le jour en rapport direct avec ce que vous ont demandé vos clients, et ce que vous faites, sur votre site Internet. Si vous faites réellement tout ça, vous allez déjà vous distinguer des autres, dans votre domaine. Les grosses corporations qui sont fans de la théorie de la terre plate basée sur le livre de Thomas Friedman, doivent s’auto-flageller quotidiennement pour avoir distribué, en faisant confiance à cet auteur, les emails de retour d’expérience de leurs clients à une équipe de développeurs, mauvais, mais pas chers, au moins à 10 heures de décalage horaire de leur maison mère. Ils ne vont certainement plus jamais être dérangés par ce que dont ont vraiment besoin leurs clients, ce qu’ils voulaient dire ou ce à quoi il faudrait faire attention.
Et si vos concurrents écoutent les clients ? N’essayez même pas de perdre une minute à savoir si c’est le cas. Si vos concurrents résolvent un problème d’une façon unique, vous n’allez pas le manquer, ne serait-ce qu’en écoutant vos clients. Soyez sûr qu’ils sont déjà en train de vous dire que cette possibilité existe. Si vous écoutez. Une minute utilisée à comprendre le fonctionnement des concurrents, c’est une minute qui n’est pas utilisée à écouter vos clients, vos clients potentiels, et vos presque-clients qui sont allés voir la concurrence, qui seraient contents de vous dire directement ce qu’ils voudraient ou auraient voulu qu’on leur vende. Vous pourriez même arriver à trouver une solution qui pourrait être meilleure que celle qu’a trouvé votre concurrent. C’est à ce moment là que vous créez votre propre tir-puis-avance (« Fire and motion ») : quand vous innovez. Faites quelque chose de nouveau qui forcera la compétition à tenter de vous rattraper. Si vous avez une compagnie aérienne, et que vos clients demande une télé collée sur le dos de chaque siège, ce qu’ils essaient de dire c’est que les vols longs sont ennuyeux. Peut-être pourriez vous remédier à ce problème sous-jacent ? Essayez de mettre en place un concours de chanson pendant le vol, et le perdant se fera éjecter de l’avion, avec un parachute. Ensuite asseyez vous tranquillement et regardez en souriant tous vos concurrents qui essaieront tant bien que mal de s’associer à une entreprise de parachutes. Et bien entendu ils perdront beaucoup d’argent inutilement, ce qui ne peut qu’être bon pour vous n’est-ce pas ?